Cycle des saisons La ville de Cayenne sous un voile de brume de poussières

Guyane la 1ère

La brume de poussières en Guyane

17/04/2023

En Guyane, les brumes de poussières s’observent quand la Zone de Convergence Inter Tropicale évolue au sud du territoire. Il y a donc un lien direct entre la position de la ZCIT et la présence des brumes de poussières en Guyane. Cet article fait le point sur le sujet, et pour aller plus loin, interroge les spécialistes d’Atmo Guyane qui surveillent au quotidien la qualité de l’air en Guyane et vous alertent lors des épisodes de pollution aux particules fines. Cela permettra d’en savoir un peu plus sur leurs activités, l’impact sur la santé des brumes de poussières et bien plus encore.

Un phénomène naturel lié aux mouvements de la ZCIT

Définition de la ZCIT

La Zone de Convergence Inter Tropicale est la zone vers laquelle convergent les alizés de nord-est (issus de l’hémisphère nord) et les alizés de sud-est issus de l’hémisphère sud.La convergence des alizés  à  l'origine de la ZCIT

Sur l’image ci-dessus, la ZCIT évolue légèrement au sud de la Guyane, les alizés de nord-est véhiculent un peu de brume de poussières de l’Afrique du nord vers la Guyane.

Cette convergence des vents favorise les mouvements d’air ascendants et donc la formation de nuages à fort développement vertical (bien visibles en couleur orangé/ rouge sur l'image satellitaire - Plus la couleur va vers le rouge, plus les nuages atteignent des altitudes élevées). La ZCIT forme une ceinture nuageuse  qui entoure la planète dans la zone inter tropicale. Tout au long de l’année, en suivant avec un décalage de 10 à 12 semaines dans le bassin atlantique, la ZCIT se déplace en latitude avec un mouvement vers le sud de novembre à mars et un mouvement vers le nord d’avril à octobre. La position la plus au nord de la ZCIT est atteinte en octobre, sa position la plus au sud en mars. Entre ces  2 extrêmes, la ZCIT passe 2 fois  à la latitude de la Guyane : en décembre janvier quand elle descend vers le sud et en mai quand elle remonte vers le nord. Ces mouvements déterminent le cycle des saisons en Guyane.

Qu’est-ce que la brume de poussières ?

La brume de poussières en Guyane se caractérise par la présence dans l’atmosphère de particules en suspension (limons et argiles, de diamètre inférieur à 50 micromètres)  d’origine principalement saharienne, appelées poussières désertiques. Ces particules sont transportées de l’Afrique vers le continent sud-américain par les alizés d’est-nord-est en bordure nord de la ZCIT.
Quand la ZCIT évolue au sud de la Guyane, les vents dominants sont orientés à l’est-nord-est et se dirigent du nord de l’Afrique vers l’Amérique du Sud. Ces poussières sont soulevées lors de coups de vents associés aux passages sur le nord de l’Afrique des traces des perturbations hivernales puis vont rester piégées en altitude (entre 1500 et 4500 m) le long de la marge nord de la ZCIT jusqu’à leur arrivée sur le continent sud-américain.

Un phénomène saisonnier qui survient quand la ZCIT évolue au sud de la Guyane

Le graphique ci-dessous présente le nombre de dépassements par mois du seuil de 50 microgrammes par mètre cube de particules de 10 µm (PM10) sur des durées de  24 heures . La présence de PM10 dans l'atmosphère de Guyane est très majoritairement due aux épisodes de brumes de poussières. Ces mesures d'Atmo Guyane permettent donc un bon suivi chronologique et quantitatif des épisodes de brumes de poussières.nombre moyen mensuels de dépassements du seuil de 50 microgrammes de  PM10 par m3.

Les brumes de poussières denses sont quasiment absentes de juillet à novembre et présentes entre décembre et juin avec un maximum en mars. En comparant ces résultats avec les positions moyennes de la ZCIT, on remarque que la brume de poussières est absente quand la ZCIT évolue au nord de la Guyane. Par ailleurs, la brume de poussières présente sa plus forte occurrence quand la ZCIT évolue sur la Guyane ou au sud de la Guyane. C’est majoritairement le cas en mars (le petit été de mars) mais cela arrive aussi régulièrement de décembre à avril, puis plus rarement en mai et juin. En effet la ZCIT n’est pas un trait horizontal qui se déplace vers le sud jusqu’en mars puis vers le nord entre avril et septembre. En réalité, la ZCIT a tendance à onduler, il peut arriver que de manière très temporaire elle descende jusque vers l’équateur en novembre mais cela devient quasiment impossible entre août et octobre (une exception le 25 octobre 2021).
La ZCIT agit comme une barrière que les alizés ne peuvent franchir. Les brumes de poussières sont soulevées au-dessus de l’Afrique du nord, rabattues par les alizés d’est-nord-est contre la face nord de la ZCIT et se déplacent ensuite vers l’ouest le long de la marge nord de la ZCIT. Quand la brume de poussières est présente sur la Guyane, cela signifie que la ZCIT évolue plus au sud mais n’est pas très éloignée.  A l’inverse quand la ZCIT évolue au nord de la Guyane, les poussières sahariennes canalisées au nord de la ZCIT ne concernent plus la Guyane.

La brume de poussières est associée  à  un temps sec ou très peu arrosé

Les épisodes de brume de poussières sont le plus souvent associés à un temps sec ou avec de faibles averses peu durables.  En effet, les poussières en suspension évoluent dans une masse d’air saharienne avec un très faible taux d’humidité (moins de 6%), empêchant la formation de gouttelettes d’eau et donc de précipitations. Il peut aussi arriver que de l’humidité soit piégée dans les basses couches de l’atmosphère sous l’air sec associé à la brume de poussières, dans ces conditions, le ciel sera un peu plus nuageux et les averses seront un peu plus nombreuses mais brèves et peu intenses.  
Par ailleurs, alors que le vent est souvent faible au sein de la ZCIT, les épisodes de brumes de poussières en Guyane correspondent à un renforcement du vent, dû à l’extension vers le sud de l’anticyclone des Açores. Pendant les épisodes de brumes de poussières, il n’est pas rare d’observer en journée près des côtes un vent moyen de 25 à 30 km/h et des rafales à plus de 40 km/h. Ces alizés relativement soutenus et associés à une insolation plus faible favorisent une faible amplitude thermique. Les nuits sont douces et la température n’ira guère au-delà des 30°C en journée sur les communes du proche littoral. A cela s’ajoute le fait que la brume de poussières donne une fausse impression de nébulosité en raison de la réduction de la visibilité, et on a souvent l’impression qu’une averse va se déverser mais au final on n’observe que quelques gouttes.
Les caractères dominants d’une journée sous la brume de poussières sont donc une température douce avec peu d’amplitude entre le jour et la nuit, une bonne brise et peu ou pas de précipitations sous un ciel plus ou moins laiteux. La brume de poussières renforce l’impression de nébulosité.  Ce sont les conditions météorologiques typiques du petit été de mars. Ce temps peut toutefois changer rapidement; en effet quand la brume de poussière sévit, la ZCIT n’est jamais très éloignée au sud, parfois bien active et du jour au lendemain une ondulation peut faire  remonter la ZCIT en latitude et générer un épisode pluvieux sur le littoral guyanais.

L'image ci-dessus propose une estimation du total des cumuls pluvieux du 21 février 2021. De l’Île de Cayenne à Saint-Laurent, la brume de poussières dense s’accompagne de très faibles précipitations (1 à 2 mm en 24 heures) alors que plus au sud, la ZCIT déborde par l’Est et donne de forts cumuls de pluies de Saint-Georges à Regina.Brume de poussières sur le littoral guyanais et fortes pluies plus au sud

Sur cette image satellitaire de la NASA prise le même jour, on peut apercevoir l’épais panache de brume de poussières de couleur sable directement en bordure nord de la ZCIT (amas nuageux de couleur blanche au sud de la carte). Sur le littoral guyanais, le voile de nuages d’altitude qui surplombe la brume de poussières empêche de la voir sur l’image satellitaire.

Un surprenant épisode de brume de poussières le  25 octobre  2021

Cet épisode n’est pas exceptionnel par son intensité mais par la date à laquelle il s’est produit. En effet, la position classique de la ZCIT à la fin octobre est encore loin au nord de la Guyane. En cette période la Guyane est normalement en pleine saison sèche. Cependant l’année 2021 nous a réservé beaucoup de surprises (notamment avec sa pluviométrie hors norme). A partir du 23 octobre, la ZCIT a commencé à se rapprocher et s’est positionnée à la latitude du littoral guyanais le 24. Le 25 en matinée, elle s’était légèrement décalée vers le sud et de la brume de poussières a gagné les communes du littoral. Cependant en cours de journée du 25, la ZCIT, très active a lentement remonté et de forts cumuls de pluies se sont généralisés à l’ensemble de la Guyane. Ils ont lessivé l’atmosphère et mis un terme à cet épisode de brume de poussières exceptionnellement précoce (par rapport à la saison des brumes de poussières qui ne commence vraiment qu’en décembre ou janvier).Le  25 octobre  2021, la ZCIT évolue au sud du littoral guyanais , bien loin de sa position habiteulle en cette saison

Le 25 octobre 2021 en matinée, la ZCIT déborde sur l’est Guyanais tandis que la bordure littorale subit un épisode de brume de poussières.Cumuls pluvieux de l'après-midi du 25 octobre 2021

En revanche, comme le montre l’image ci-dessus, la remontée progressive vers le nord de la ZCIT en cours de journée a généré un petit épisode pluvieux sur le littoral et chassé la brume de poussières. Le lendemain (le 26 octobre), la ZCIT retrouvait une position plus classique au nord de la Guyane et les habitants du littoral profitaient d’un ciel limpide (nettoyé par les pluies de la veille et sans apport de nouvelles poussières).

Un ciel nettement plus limpide quand la ZCIT évolue au nord de la Guyane

Pendant la période de décembre à mai (et plus rarement de juin à juillet), dès que la ZCIT repasse au sud de la Guyane, les alizés véhiculent souvent un peu de poussières du Sahara en quantité généralement insuffisante pour parler de brumes de poussières, mais assez pour diminuer la limpidité du ciel. Inversement, entre le mois d’août et le mois d’octobre, la ZCIT évolue loin au nord de la Guyane et les alizés orientés à l’est-sud-est véhiculent un air moins chargé en impuretés, ce qui donne un bleu plus intense au ciel guyanais. Sans faire une analyse météorologique poussée, la limpidité du ciel nous donne déjà un premier indice pour savoir si l'on se situe au nord ou sud de l'axe de la ZCIT. décollage de la fusée Ariane5 le 7 septembre 2022 dans le ciel limpide du mois de septembre

 A l’image, le tir de fusée du 7 septembre 2022, l’atmosphère limpide de septembre a permis d’observer le panache du sillage de la fusée dans les meilleures conditions.

Après la Guyane, l'arc antillais

 Sur les Petites Antilles, les brumes de poussières peuvent être observées tout au long de l’année mais avec une occurrence maximale de mai à août entre chaque passage d’ondes d’est et lorsque la ZCIT remonte vers le nord. Les Petites Antilles sont concernées en moyenne un jour sur quatre par la brume de poussières. C’est nettement plus que ce que l’on peut observer en Guyane. Episode de brume de poussières exceptionnellement dense le 21 juin 2020

Sur l’illustration ci-dessus (image satellitaire de la NASA), on peut voir la brume de poussière très dense sur l’arc antillais (épisode exceptionnel du 21 juin 2020 ) mais aussi à l’ouest de l’Afrique directement en bordure nord de la ZCIT.

En 2021 et 2022, peu d'épisodes de brumes de poussières denses en Guyane

Le contexte météorologique de pluies abondantes (lié à un long épisode la Niña) pendant les périodes de janvier à mai (période à priori plus propices aux épisodes de brumes de poussières) a certainement joué. Les fortes pluies ayant pour effet de lessiver l’atmosphère.
Toutefois, les fréquents et conséquents épisodes pluvieux observés en février / mars 2021 ont souvent été entrecoupés de périodes d’accalmies (assez brèves) pendant lesquelles la ZCIT se repliait temporairement au sud laissant ainsi rentrer un peu de brume de poussières sur le littoral guyanais. Régulièrement, ces épisodes de brumes de poussières étaient interrompus par les pluies soutenues associées à une remontée de la ZCIT sous forme d’ondulation. 
En février / mars 2022, la ZCIT n’a fait que très peu d’incursions au sud de la Guyane, elle est généralement restée bien active et calée à la latitude du littoral guyanais, le petit été de mars se faisait désirer. En toute fin de mois, la ZCIT s’est enfin rabattue vers le sud laissant la place à un quelques journées plus sèches accompagnées d’une brume de poussières peu dense ; c’était le très court petit été de mars 2022 qui aura duré du 25 au 31 mars.arrivée de la brume de poussières en 2022 quand la ZCIT se replie au sud

Ces 2 images montrent la descente vers le sud de la ZCIT entre le 22 et le 25 mars 2022 et l’arrivée le 25 mars 2022 d’une légère brume de poussières qui marque l’arrivée du court petit été de mars 2022.

Des épisodes de brume de poussières plus fréquents en mars et avril 2023.

Cette fois, le contexte est diffèrent, le long épisode la Niña est terminé et une phase neutre de l’ENSO (El Niño Southern Oscillation) commence.
Atmo Guyane a mesuré un dépassement du seuil d’information et de recommandations (50microgrammes/m3)pour les particules fines entre le 2 et le 4 mars 2023. Cet épisode est survenu au début du petit été de mars (il a commencé le 4 mars) qui s’est  prolongé jusqu’au dimanche de Pâques avec une courte interruption du 19 mars au 30 mars. Pendant tout cette période, on a souvent observé un peu de brume de poussières dans le ciel Guyanais. Vers la fin du petit été de mars 2023, qui a joué les prolongations début avril, on a de nouveau vu arriver de la brume de poussières assez dense avec un pic d’épisode (les seuils d’alerte d’Atmo Guyane ont été dépassés avec une concentration journalière  maximum de 110 microgrammes/m³ relevée le 6 avril à Kourou). Atmo Guyane avait émis un bulletin de prévisions de dépassement de seuils dès le 3 avril et a communiqué ses alertes tout au long de l'épisode jusqu'au 7 avril. Le petit été de mars 2023  s’est donc inséré entre 2 épisodes de brume de poussières assez denses.Image issue du modèle de dispersion d'aérosols de Météo-France

Sur l’image ci-dessus (modèle de dispersion d’aérosols de Météo-France MOCAGE) on remarque la brume de poussières (en vert pastel) qui prend sa source en Afrique du Nord et s’étire jusqu’à la Guyane. Sur l’Afrique du Nord, les couleurs bleues correspondent  à  des densités pouvant dépasser 500microgrammes/m³ , seuil jamais atteint en Guyane.

Des épisodes de brumes de poussières plus fréquents dans les prochaines décennies?

Le volet météorologique de l’étude GUYAClimat menée en partenariat avec le BRGM délivre des projections sur l’évolution des températures, précipitations, pluviométrie et vagues jusqu’à l’horizon 2100. Cette étude s’est aussi penchée sur d’éventuels déplacements de la ZCIT par rapport à la période actuelle. Pour réaliser cette étude, Un important travail de sélection s’est fait parmi les 50 modèles climatiques globaux de dernière génération du GIEC. Seuls les modèles qui prenaient bien en compte le cycle annuel actuel des déplacements en latitude de la ZCIT ont été retenus. Les modèles retenus s’accordent pour faire évoluer la ZCIT plus au sud dans les prochaines décennies. Ce déplacement vers le sud serait plus marqué pendant la période de janvier à avril. Cette période de l’année pourrait être plus sèche avec une accentuation des petits étés de mars qui seront plus fréquemment observés et plus secs que dans le climat actuel. Avec un petit été de mars plus long à l’horizon 2100, on pourrait imaginer retrouver également une plus grande occurrence des brumes de poussières. Le raccourci est tentant, mais il faudrait initier des études plus approfondies avant de conclure. Il faut tenir compte de la climatologie future des zones émettrices des brumes de poussières (zones semi-arides d’Afrique du nord), mais aussi d’un éventuel déplacement vers le sud des zones impactées par les brumes de poussières (en marge nord de la ZCIT).

Sources :
J. Cottereau, La brume de poussières sahariennes aux Antilles françaises et en Guyane, La Météorologie n°110, août 2020
A. Bel Madani , Rapport GuyaClimat (projections climatiques sur la Guyane Française)

Interrogation des spécialistes d'ATMO Guyane

Pour aller plus loin dans cet article consacré aux brumes de poussières en Guyane, nous allons donc chercher directement l’information auprès de l’équipe d’Atmo Guyane, organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air en Guyane. Lien vers le site internet d'Atmo Guyane: https://atmo-guyane.org/

Pouvez-vous nous présenter vos activités et missions ?  

Atmo Guyane est l’association agrée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) en Guyane. Pour information, une AASQA est présente dans chaque grande région en France.  

Les missions d’Atmo Guyane répondent aux exigences règlementaires françaises et européennes confiées par l’Etat. Ses principales actions visent à :  

   → Surveiller en permanence la qualité de l’air dans les deux Zones A Surveiller (ZAS) ;   

  

→ Exploiter les données issues de différentes méthodes de surveillance;

 →Assurer une diffusion en continu et quotidienne de l’information au public et aux autorités concernées ; 

→Informer et alerter, notamment lors d’épisodes de pollution ;

→Accompagner et proposer des solutions pertinentes et fiables pour la surveillance de la qualité de l’air.

Atmo Guyane veille également à se rendre disponible pour apporter les meilleures solutions techniques ou les informations adéquates dans le cas d’éventuelles sollicitations concernant des problématiques spécifiques ou régionales liées à la qualité de l’air extérieur ou intérieur.

D’autre part, un partenariat avec l’université de MIAMI est développé depuis plusieurs années afin d’améliorer nos connaissances sur le polluant majoritaire que constituent les brumes de poussières issues du Sahara.

Les brumes de poussières sont donc le polluant impactant le plus la qualité de l'air , quels risques présentent-elles pour la santé?

Effectivement, ces brumes de poussières sont présentes régulièrement en Guyane, selon les conditions météorologiques ainsi que la position de la ZCIT. Ces brumes contiennent des particules très fines invisibles à l’œil humain. Leur surveillance est primordiale de par l’enjeu sanitaire important qu’elles représentent.  

Avant de développer leurs effets sur la santé humaine, il est nécessaire de savoir qu’il existe différents types de particules classées selon leur granulométrie (taille). On parle alors de :

  ♦  PM10 pour les particules fines dont le diamètre est inférieur à 10 microns (10 µm).

  ♦  PM2.5 pour les particules fines dont le diamètre est inférieur à 2,5 microns (2,5 µm).

Pour visualiser leurs tailles, il faut savoir que le diamètre d’un cheveu varie entre 50 et 70 µm. Donc, une particule PM10 est environ 5 fois plus petite qu’un cheveu, une particule PM2.5 est environ 20 fois plus petite qu’un cheveu. C’est pour cela qu’elles sont appelées communément “particules fines”. Taille des particules PM10 et PM2.5  et possibilité de pénétration lors d'inhalations

Lorsque l’inhalation de ces particules est récurrente, elles peuvent engendrer des problèmes de santé assez importants comme les cancers pulmonaires, les maladies cardiovasculaires ou respiratoires  

Chez les personnes à risques (enfants, personnes âgées, asthmatiques), la pathologie s’accompagne de plus lourdes conséquences : toux et expectorations chroniques, bronchite, asthme, dyspnée, fibrose, etc.   

Ces particules pénètrent dans l’appareil respiratoire en fonction de leur taille. Elles provoquent des irritations des voies respiratoires, augmentent les risques cardiaques et certaines sont cancérigènes.

Ces particules étant dangereuses pour la santé, est ce que vous les surveillez en Guyane?

La surveillance de ces particules fines se fait quotidiennement par notre réseau. Pour cela, nous disposons de 3 stations de mesures implantées à Cayenne, Matoury et Kourou qui mesurent les PM2.5 et PM10 en continu.

D’autres polluants sont également mesurés dans ces stations sauf que ces derniers ne sont pas présents en grande concentration sur le territoire guyanais.

Chaque jour, un indice de qualité de l’air se basant sur ces mesures est communiqué par Atmo Guyane, informant la population de la qualité de l’air du jour. Cet indice est appelé “indice ATMO”.

Voici ci-dessous une de nos stations de mesure de la qualité de l’air. Station de mesure de la qualité de l'air du réseau ATMO Guyane

 

Que contiennent exactement les brumes de poussières, ce n'est pas que du sable?

Ces particules de sables permettent le « voyage ou transport » de différentes substances.
Voici les observations au microscope à balayage électronique de particules sahariennes prélevées sur filtre : Analyse au microscope  à  balayage électronique de particules sahariennes

Une analyse de ces images microscopiques nous permet d’identifier la composition de ces particules. On peut notamment retrouver des métaux comme le fer et l’aluminium mais aussi du silicium, potassium, chlore et calcium.
Donc non, ce n’est pas seulement du sable qui est transporté mais aussi plusieurs composés chimiques sous forme solide (particules fines). Certains de ses composées sont évidemment néfastes pour les humains une fois inhalés.

Y aurait t'il donc tout de même un bienfait lié à la brume de poussières?

Oui, malgré les effets sanitaires qu’ont les particules fines issues des poussières, ces brumes de poussières sont une aubaine pour le continent américain.
L'Amérique du Sud étant caractérisée par un climat tropical, la pluviométrie est très élevée par rapport au climat européen par exemple. La forêt amazonienne joue un rôle important dans la formation de nuages et de ce fait sur la pluviométrie. C’est pourquoi, malgré leurs avantages, ces fortes précipitations causent un lessivage des sols, c’est à dire le déplacement des éléments nutritifs du sol vers les couches profondes.     
C’est pourquoi, en se déplacent vers l'Amérique du sud et notamment vers la Guyane, les brumes de poussières qui contiennent certains éléments nutritifs pour les sols comme le phosphore et le potassium, apportent des quantités assez importantes de ces éléments nutritifs en Guyane. Ce qui permet de fertiliser les végétaux et d’accroître leur productivité.
De plus, la latérite qu’on retrouve beaucoup sur le territoire guyanais étant de base un sol très pauvre en nutriments, ce phénomène permet d’améliorer sa fertilité.

Outre la fertilisation des sols, ces brumes de poussières transportent également des éléments nutritifs comme le fer ou le phosphore pour les écosystèmes marins. Selon une étude publiée en 2014, plus de 70% du fer mis à la disposition des photo-synthétiseurs dans l’océan Atlantique provient de la poussière du Sahara.

Pour continuer sur ces sujets, nous pouvons vous présenter un dispositif de surveillance dit "Prospéro, mis  à  disposition par notre partenaire; l'université de Miami.

Depuis plusieurs années, un partenariat a été mis en place entre l'Université de Miami et Atmo Guyane.

Cette collaboration, dont l’objectif est de caractériser les particules fines observés en Guyane grâce à leur collecte sur filtres ainsi que leur rôle éventuel d’apport en nutriments pour les écosystèmes Sud-Américains et Amazoniens, est complétée par des études ponctuelles sur des évènements exceptionnels d’épisode de pollution par les poussières du Sahara avec les scientifiques de Puerto-Rico, de Cuba et de la Barbade.Image satellite du 04 Juin 2021 - (source : earthobservatory.nasa.gov)

Image satellite du 04 Juin 2021 - (source : earthobservatory.nasa.gov)

Afin de prélever les particules fines présentes dans l’air, un préleveur (ci-dessous) est mis en place sur la colline de Montabo. Ce préleveur est équipé d’un filtre qui permets de récolter les particules fines présent dans l’air prélevé. Ces filtres sont ensuite récoltés régulièrement pendant les épisodes de pollution par l’équipe d’Atmo Guyane pour être envoyés par la suite vers l’Université de Miami pour y être analysés.
Prélveur de particules d'air via filtres

Voici une image de 2 filtres suite à un prélèvement d'air réalisé lors d’un épisode de pollution aux brumes de poussières. Nous pouvons remarquer aisément la différence de couleur entre le centre du filtre (beige) avec les bordures qui n’était pas exposés à l’air (blanche). Ceci donne une idée de ce qu’on respire lors de ces épisodes de pollution.filtres récupérés lors d'un épisode de brume de poussières dense

Des articles universitaires liés à ces recherches sont régulièrement soumis et acceptés dans des revues/communautés scientifiques telles que Nature Communications, AGU, Proceedings of the National Academy of Sciences... et dans lesquels Atmo Guyane est co-auteur.
En 2021, est paru dans le BAMS : The discovery of african dust transport to the western hemisphere and the saharan layer. Cet article de recherche développe la thématique du transport des poussières sahariennes vers l’hémisphère ouest. Lien vers l'article: https://journals.ametsoc.org/view/journals/bams/102/6/BAMS-D-19-0309.1.xml

Vous parliez d'épisodes de pollution aux brumes de poussières. Auriez-vous des images pour se faire une impression visuelle du phénomène?

absence de brume de poussières Episode de pollution aux particules fines

Nous pouvons observer clairement une différence à l’œil nu en regardant le ciel et l’horizon qui est caché par une couche opaque de poussière. Ceci correspond à un épisode de pollution aux particules fines.

Que nous conseillez-vous lors de ces épisodes de pollution?

Lors de ces épisodes de pollutions aux brumes de poussières, nous vous conseillons de limiter au maximum les sorties en extérieur, voir ne pas sortir du tout si cela n’est pas nécessaire. Surtout pour ce qu’on appelle “les catégories de personnes fragiles” comme les enfants, les femmes enceintes ou les personnes qui sont atteintes de maladies respiratoires ou chroniques.

L’ouverture des fenêtres donnant sur l’extérieur est également déconseillée durant ces épisodes afin d’éviter l’apport de ces poussiers dans l’air intérieur des habitations.

Pour aller plus loin, le port d’un masque diminue la quantité de poussière respirée lors ces épisodes. Outre les masques chirurgicaux, il existe également des masques spécifiques à la pollution de l’air qui filtrent l’air respiré. Ces derniers peuvent être une bonne solution pour les personnes fragiles.