La saison sèche
12/08/2021
En cette année 2021 copieusement arrosée , la saison sèche est attendue avec impatience, mais elle se fait attendre, quelques belles averses ont ponctué la première quinzaine d'août. En attendant de pouvoir profiter de cette longue parenthèse sèche et ensoleillée, cet article vous présente les caractéristiques de la saison sèche en Guyane et les mécanismes à l'origine des quelques averses possibles pendant cette période peu arrosée. Les disparités locales méritent également d’être citées ; les communes de Guyane ne sont en effet pas toutes placées à la même enseigne, certaines sont plus ventilées, d’autres souffrent d’une chaleur parfois écrasante, et les averses ont leur secteurs de prédilection en saison sèche. Cet article vous propose aussi un retour sur des saisons sèches exceptionnelles et aussi quelques perspectives sur la très proche saison sèche de cette année 2021.
Quand la ZCIT s'éloigne vers le nord, le beau temps s'installe
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La Zone de Convergence Inter Tropicale (ZCIT ou équateur météorologique d'alizés) remonte progressivement vers le nord entre juillet et septembre, puis atteint sa position la plus septentrionale en octobre et amorce sa redescente vers la Guyane en novembre. Cela se traduit au niveau du temps sur la Guyane par un assèchement progressif entre juillet et août, suivi par une période très sèche de septembre à Octobre et enfin le retour à un temps un peu plus humide généralement à partir de la mi-novembre. Il s'agit d'une situation moyenne, il y a en réalité beaucoup de fluctuations d'une année sur l'autre.
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Le 3 octobre 2018, l'équateur météorologique d'alizés évolue loin au nord des côtes Guyanaises, un ciel clair domine sur le pays. On peut aussi remarquer sur le centre de l'atlantique un cyclone tropical .
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Le 20 septembre 2020, on peut apercevoir sur le centre de la Guyane sur le haut Sinnamary une cellule orageuse isolée. En revanche le soleil l'emporte nettement sur la bordure littorale. Le cyclone tropical Teddy évolue loin au nord sur l'atlantique.
D'importantes disparités locales au sein de la saison sèche
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Un ciel clair s'impose ce 3 septembre 2020 sur une large bordure littorale. Sur la Guyane forestière, le ciel est parsemé de petits cumulus de beau temps. A la limite entre le ciel dégagé du littoral et les nuages inoffensifs de l'intérieur du pays, on retrouve parallèlement à la côte une bande nuageuse un peu plus développée dans laquelle circulent quelques averses. Cette zone limite s'appelle le front de brise.
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Le front de brise naît de la rencontre entre l’air relativement frais véhiculé par la brise de mer venant de l’Est Nord-Est et l’alizé moyen de secteur Est Sud-Est soufflant sur la Guyane continentale. Cette convergence des vents et le contraste thermique entre les 2 masses d’air d’origines différentes crée un soulèvement et donc des développements nuageux pouvant aller jusqu’au stade orageux.
On distingue donc 3 zones climatiques pendant la saison sèche :
Une étroite bordure littorale très sèche et bien ventilée. Les communes du littoral sont le plus souvent sous l’influence de la brise de mer en saison sèche avec un temps sec, très ensoleillé (absence de nuages dès la mi-journée) et bien ventilé. Le vent orienté Est à Nord-Est souffle de 20 à 30 km/h les après-midis. Cette bonne ventilation limite la hausse des températures, les températures maximales observées pendant la saison sèche sur le littoral se situent généralement autour de 32 °C. Il est exceptionnel que la température dépasse les 35 degrés sur les communes du proche littoral.
Le sud du pays ensoleillé et chaud avec quelques rares orages. Les communes de l’intérieur au sud d’un axe reliant Saint-Georges à Saint-Laurent connaissent des journées bien ensoleillées avec la présence de petits cumulus de beau temps, une averse isolée voire un orage reste possible de temps à autre. Le vent généralement très faible rend la chaleur étouffante les après-midis; de Camopi à Maripa-Soula et jusqu’à Saint-Georges et Saint-Laurent, les températures dépassent régulièrement les 35 degrés les après-midi. Chaque année, on observe dans ces communes des températures maximales supérieures à 37 °C. Seules 3 communes ont atteint ou dépassé les 38 °C, Camopi en tête avec 38,5 °C, puis Saint-Laurent et Grand-Santi avec 38 °C.
Un proche intérieur un peu plus humide.A une distance entre 15 et 30 km du littoral, parallèlement à la côte s’étire une zone limite sous l’influence du front de brise. En effet, pendant la saison sèche, le temps est un peu plus contrasté le long de la route de l’Est, dans le sud de Roura et Montsinéry et plus à l’ouest entre Petit-Saut, Saut Sabbat et Saint-Laurent avec des averses un peu plus fréquentes. La position du front de brise varie en fonction de l’intensité des alizés. Si les alizés sont soutenus, la brise sera plus forte et repoussera le front de brise loin au sud. Par ailleurs, l’humidité de la masse d’air est le carburant nécessaire pour le développement des averses liées au front de brise, les variations d’humidité font que certains jours seront plus instables que d’autres. Les jours où l'instabilité est présente le front de brise prend la forme d'un petit train d'averses qui chemine du sud de Roura vers Petit-Saut puis Saint-Laurent.
L'intensité de la brise de mer repousse plus ou moins dans l'intérieur le front de brise. Certains jours en saison sèche, les habitants de Cayenne voient parfois au sud un imposant cumulo-nimbus. Il s’agit d’une averse qui se déverse au sud de Roura, souvent dans le secteur de la montagne de Kaw au sud-est de Roura. D'autres jours de brise moins soutenue, cette éventuelle averse passera sur Roura, elle peut même passer au niveau l’aéroport Félix Éboué.
C’est dans le secteur de Saint-Laurent que les averses sont les plus présentes en saison sèche avec en moyenne autour de 90 mm par mois en septembre et octobre. A Awala-Yalimapo à un peu plus de 30 km à vol d’oiseau au nord, on dépasse tout juste les 20 mm en septembre.
Prémices de la future petite saison des pluies à partir de la mi-novembre. A la fin de la saison sèche, à partir de la mi-novembre, la ZCIT commence à se rapprocher, sa marge sud apporte un peu d’humidité et on commence à observer quelques ondées sur la côte les fins de nuit et débuts de matinées. Il faut souvent attendre début décembre pour voir les premiers arrosages significatifs liés à l’arrivée de la ZCIT sur la Guyane. Les communes du sud guyanais de Camopi à Maripa-Soula et Saül, voient souvent la saison sèche s’étirer jusqu’à la mi-décembre.
De très rares intermèdes arrosés.
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Du 15 au 16 septembre 2020, le cyclone tropical Teddy passe à près de 1200 km au large des côtes guyanaises. les vent s'orientent au sud sur la Guyane, la dépression aspire les vents vers elle. Ce flux de sud se charge d'humidité lors de son parcours sur la forêt amazonienne.
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Image satellitaire (satellite GOES16) du 16 septembre 2020 à 17 heures. Des amas pluvio-orageux naissent sur le sud de la Guyane et remontent vers le littoral, portés par le flux de sud.
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Du 15 au 16 septembre 2020, sous l'influence lointaine du cyclone Teddy, la plupart des communes de Guyane sont bien arrosées. Le maximum est de 95mm en 24 heures à l'aéroport Félix Eboué. De telles précipitations à l'échelle de la Guyane font plutôt penser à une journée bien arrosée de la grande saison des pluies, et pourtant, on était au coeur de la saison sèche.
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Du 25 au 26 août 1996, le cyclone tropical Edouard passe à 1400km au nord de la Guyane. A son passage, le flux s'oriente au sud et des remontées orageuses s'organisent. Du 25 au 26 août on relève 255mm de pluies à Cayenne , ce qui constitue pour cette ville le record de précipitations en 24 heures. Conjuguées à la marée haute, ces pluies exceptionnelles ont entrainé d'importante inondations dans toute la ville basse de Cayenne avec près de 80cm d'eau dans certains quartiers.
Quand les vents s'orientent au sud en saison sèche, il y a un risque de pluies conséquentes. Le facteur déclenchant à ces situations pluvieuses en pleine saison sèche n'est pas le cyclone lui même mais la modification du régime des vents qu'il entraine. Quand les vents s'orientent au sud en saison sèche lors du passage au large d'un cyclone ou d'une tempête tropicale ou même lors du passage d'une onde tropicale active , on peut craindre des fortes pluies localisées jusque sur le littoral.
Des saisons sèches exceptionnelles.
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Le phénomène El Niño favorise les saison sèches sévères. La pluviométrie moyenne en Guyane est fortement corrélée au cycle ENSO (alternances entre phénomènes El Niño, La Niña et phases neutres). Cela se vérifie notamment lors des saisons sèches. En effet, en Guyane, les saisons sèches les plus sévères ont été observées lors des épisodes El Niño de 1997 et 2015. La saison sèche de 1997 a été une des plus intenses que la Guyane ait connue. A Kourou, il n'a pas plu pendant 63 jours consécutifs entre le 24 août et le 25 octobre. Sur une période plus longue et toujours à Kourou, il n'est tombé que 19mm de pluie entre le 10 août 1997 et le 29 novembre 1997. A Maripa-Soula, le record de jours consécutifs sans pluie date lui aussi de 1997 avec 26 jours sans pluies du 10 octobre au 4 novembre. Cette période sans pluies sur le haut Maroni a de plus été associée à des températures maximales dépassant très souvent les 35 degrés. Les feux d'abattis traditionnellement allumés à cette période de l'année ont en 1997 souvent brulé des parcelles environnantes.
Feu de savane en 2015 . Crédit photographique Guyane la 1ere. |
La saison sèche a également été très marquée lors de l'épisode El Niño 2015. Cette année là, il n'est tombé à Kourou que 9mm de pluies entre le 25 août et le 8 novembre. Les départs de feux ont été nombreux. Chaque année lors de la saison sèche, entre 200 et 600ha de savane ou broussaille sont ravagées par le feu. La saison sèche 2015 est exceptionnelle dans ce domaine avec 785 ha brulés entre le 1er septembre et le 1 décembre.
A l'opposé des années El Niño, les années sous l'influence de La Niña sont généralement plus arrosées que la normale. La saison sèche de 2020 associée à un épisode la Niña assez marqué a été largement plus pluvieuse que la normale. Elle a aussi été très écourtée avec dès le 1er novembre le retour de l'équateur météorologique d'alizés à la latitude de la Guyane et une arrivée très précoce de la petite saison des pluies. Pour comparer avec 1997 sur la commune de Kourou, on a recueilli en 2020 493.9mm sur la période cumulée d'août à novembre contre seulement 53mm sur la même période en 1997.
Une saison qui s'inscrit pleinement dans le calendrier agricole en Guyane.
La saison sèche représente souvent une période de stress pour la végétation du fait du manque d'eau mais elle est aussi la période où l'on peut cultiver en Guyane des espèces sensibles à l'excès d'eau comme les pastèques ou les tomates. Par ailleurs, la saison sèche permet de réduire pour quelques mois les développements de champignons ou la prolifération d'insectes ravageurs néfastes aux cultures. En 2021 où la grande saison des pluies refuse de se terminer, les plantations souffrent de l'excès prolongé de pluies. Les plantations qui démarrent après une saison sèche marquée sont plus saines (champignons et bactéries sont éradiqués pour un temps). De plus, les arbres fruitiers ont souvent une floraison plus abondante après les années avec une forte saison sèche (ramboutans, paripous et agrumes notamment). La floraison des arbres fruitiers est déclenchée par la reprise des pluies à l'issue de la saison sèche. La saison sèche au même titre que les autres saisons s'inscrit donc pleinement dans le calendrier agricole annuel en Guyane, elle a comme les autres périodes climatiques toute son utilité. C'est aussi la saison où sont brulés les abattis et préparés les sols pour de futures cultures.
Reprise de la végétation dans un abattis après le feu. Crédit photographique: parc amazonien de Guyane |
A la fin de la saison sèche, l'abattis reverdit rapidement dès les premières pluies.
Perspectives pour la saison sèche de 2021
Jusqu'au 15 août 2021, la plupart des communes de Guyane ont encore été bien arrosées. L'équateur météorologique d'alizés garde une position anormalement basse, très proche de la Guyane. les averses persistent et la saison sèche prend du retard. Les prévisions mensuelles et saisonnières de Météo-France et du centre européen de prévision à moyenne échéance (ECMWF) permettent de se faire une petite idée des précipitations à venir lors de la saison sèche.
Des prévisions mensuelles pessimistes.
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Sur ces cartes de prévisions d'anomalies de précipitations, la couleur verte plus ou moins foncée correspond à un excédent pluviométrique tandis que l'orange et le marron correspondent à une pluviométrie inférieure à la normale. A l'exception de la semaine du 16 au 23 août, toutes les semaines suivantes présentent une pluviométrie supérieure à la normale. Cela ne signifie pas qu'il va beaucoup pleuvoir mais que le mois de septembre sera probablement un peu plus pluvieux que ce que l'on peut attendre d'un mois de septembre normal. Cette pluviométrie prévue supérieure à la normale s'explique en partie par une anomalie positive de température de l'océan atlantique à la latitude de la Guyane (les eaux chaudes favorisant les développement nuageux). Cette anomalie a tendance à "retenir" l'équateur météorologique d'alizés à proximité de la Guyane. Ces précipitations supérieures à la normale prévues en septembre laisseront tout de même une bonne place à de belles journées ensoleillées et les quelques averses attendues pourront diminuer les corvées d'arrosages aux nombreux guyanais passionnés de jardinage.