Climat encart

Changement climatique en Guyane : les projections Guyaclimat

20/02/2025

Modéliser le changement climatique à l'échelle locale est essentiel pour quantifier ses conséquences sur notre quotidien. C'est l'objectif du projet Guyaclimat, financé par la Direction Générale des Territoires et de la Mer de Guyane (DGTM), l'Office de l'Eau de Guyane, l'Agence Française pour le Développement (AFD), l'Agence de l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (ADEME) et co-réalisé par le Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM) et Météo France en 2022.
Ci-dessous sont présentées les évolutions des températures, des précipitations et du vent jusqu'à l'horizon 2100 pour le territoire guyanais.

Méthodologie

Quand on parle du changement climatique, on parle de projection et non de prévision car on regarde l'évolution des paramètres physiques sur des échelles de temps plus longues que pour la météo du quotidien. Il est important de noter que l'on ne s'intéresse pas à la température du 21 juillet 2097 précisément, mais bien à la différence entre une période future et une période de référence passée pour avoir des évolutions ou tendances, et non des données brutes.

Pour alimenter les modèles de climat, on doit fournir en entrée des "narratifs", qui vont guider le modèle et traduire l'avenir de la société, qui se reflètera ensuite dans l'évolution du climat. C'est ce que l'on appelle les trajectoires socio-économiques ou ssp. Le GIEC en a élaboré 5, comme 5 trajectoires des politiques internationales. On couple ces dernières aux representative concentration pathways ou rcp, qui sont les données d'émissions de gaz à effet de serre ou les forçages radiatifs. Elles sont au nombre de 4. On obtient donc des couples de trajectoire/émissions qui doivent représenter les évolutions potentielles de nos sociétés. On retient les deux scénarios suivants pour l'étude:

  • ssp2-4.5 pour scénario tendanciel «business as usual », où le niveau d’émissions ne subit pas de variations brutales majeures.
  • ssp5-8.5 pour un scénario qui traduit l’échec des politiques d’atténuation et la continuité des tendances de consommation d’énergies fossiles.

Pour la modélisation à proprement parler, certains des modèles climatiques globaux issus du sixième exercice du GIEC (CMIP6) ont été sélectionnés selon les critères ci-dessous. Puis une descente d'échelle a été appliquée, un "zoom", ainsi qu'une correction du modèle avec les données locales d'observation, (nos stations météorologiques implantées sur le territoire) en utilisant des méthodes statistiques. Nous obtenons donc en sortie des données du changement climatique pour chaque station en Guyane.

Sélection des modèles CMIP6

Evolution des températures

Regardons l'évolution des températures minimales et maximales.

Températures maximales

Les deux graphes à gauche permettent de lire les mois en ordonnée de haut en bas et les années en abscisse de gauche à droite.

On peut ainsi voir que la température maximale augmente au fur et à mesure des années: sur le graphique, elle devient de plus en plus rouge. Cette augmentation est particulièrement marquée durant la saison sèche d'août à novembre. Cette hausse est modulée en fonction des scénarios : en haut le ssp2-4.5 montre une augmentation moins marquée que sur le graphe du bas, qui représente le ssp5-8.5.

Nous attendons donc une saison sèche plus intense en termes de température ainsi que de durée. Cela veut dire que des températures actuellement observées en septembre et octobre, les deux mois les plus chauds de l'année, pourront devenir plus que régulières durant les mois d'août ou de novembre et que les températures des mois les plus chauds seront encore plus élevées.

Par exemple pour la station de Cayenne-Matoury, tous les après-midis dépasseront les 34°C d'août à novembre à l'horizon 2100 pour le scnéario ssp5-8.5. Le seuil des 36°C sera dépassé 1 journée sur 3 en octobre à l'horizon 2100 alors que ce ratio concernait plutôt le seuil des 32,5°C durant la période de référence (1980-2014).

A l'horizon 2100, la température maximale devrait augmenter de +2,5 à 4,1°C par rapport à la référence en fonction des scénarios.

Evolution des températures maximales en Guyane de 1980 à 2100 pour les deux scénarios

Températures minimales

Pour les températures minimales, il est important de noter qu'actuellement, les plus fortes températures minimales s'observent durant la première moitié de l'année, donc les saisons des pluies. Or, ce phénomène va s'atténuer avec le temps avec l'augmentation des températures minimales durant les saisons des pluies et la saison sèche.

Nous observons donc une homogéisation des fortes températures minimales. Cela signifie que l'équilibre relatif entre les saisons avec des températures minimales plus hautes et des températures maximales plus fraîches en saison des pluies et l'opposé en saison sèche (des températures minimales plus basses mais de fortes températures maximales) va être bouleversé. Nous aurons donc une concordance en saison sèche des fortes températures durant la nuit et la journée.

Par exemple, le rouge sur le graphique prédomine sur le bleu en climat futur pour le scénario ssp5-8.5 : cela veut dire qu'à l'horizon 2100, les températures minimales de 28°C deviendront la norme presque tout au long de l'année, alors qu'aujourd'hui elles sont exeptionnelles.

Sur les cartes à droite, on voit encore que le littoral se réchauffe plus que l'intérieur, réduisant ainsi cette amplitude thermique déjà moins importante entre températures nocturnes et diurnes sur la côte.

A l'horizon 2100, la température minimale devrait augmenter de +3,2 à 4,2°C par rapport à la référence en fonction des scénarios.

Evolution des températures minimales en Guyane de 1980 à 2100 pour les deux scénarios

Evolution des précipitations

Les pluies évoluent de manière moins linéaire que les températures.

Sur le graphe de gauche, on peut lire les mois en abscisses et la variation de pluie par rapport à la référence passée en ordonnée. Les différents bâtons illustrent les deux scenarios à plusieurs échéances : les horizons 2030, 2050 et 2100. Si un bâton va vers le haut, cela signifie que le mois va être plus arrosé que durant la période de référence. Au contraire s'il descend sous la barre du "0", il sera plus sec qu'avant.

On voit qu'à l'horizon 2030, on pourrait avoir des saisons des pluies légèrement excédentaires durant les mois de janvier et février. A partir de juillet, le signal est nettement à la baisse et atteint son pic en septembre avec déjà jusqu'à -55% de pluies en moins.

A l'horizon 2050, la petite saison des pluies s'assèche de manière claire mais c'est la grande saison des pluies qui montre un signal à la hausse entre avril et juin en fonction des deux scénarios. La saison sèche continue de s'assécher largement.

D'ici à 2100, quasiment tous les mois voient leur pluviométrie diminuer avec la baisse la plus importante enregistrée en saison sèche : jusqu'à 75% de pluies en moins durant le mois de septembre. Néanmoins la grande saison des pluies reste proche de la normale voire légèrement plus pluvieuse pour le mois de juin.

Cette nette réduction du cumul annuel allant jusqu'à -15 à -25% en 2100 n'empêche cependant pas la résurgence d'épisodes de fortes pluies. Ces derniers seront notamment nombreux en intersaison, durant le mois de novembre par exemple.

Evolution des précipitations en Guyane pour trois horizons et deux scénarios

Le climat guyanais/comparaison à la période 1980-2014

 Retrouvez le poster Guyaclimat et le lien vers le rapport complet de l'étude.

Evolution du climat Guyanais aux trois horizons pour les deux scénarios