Première vigilance rouge fortes pluies et orages en Guyane
10/05/2021Records de pluie en Guyane
Résumé de l'événement.
Un temps bien instable était attendu depuis quelques jours pour la fin du mois d'avril. la ZCIT était bien calée au niveau de la Guyane. Le 26 en matinée, le prévisionniste de service identifie une ondulation active de la ZCIT avec un bon potentiel de pluies. Une vigilance jaune fortes pluies et orages est donc enclenchée à la mi-journée. En fin de journée du 26, les cumuls pluvieux s'accentuent dans le nord-est Guyanais et la décision est prise de passer au niveau orange pour la zone Nord-Est ( zone s'étendant de l'Oyapock à Kourou . En fin de nuit, les cumuls dépassent les 200mm dans le secteur de Roura. Pour la première fois en Guyane une vigilance rouge fortes pluies et orages est donc décidée puis lancée à 05h26 le mardi 27 avril. Cet épisode de niveau rouge se termine en matinée mais la vigilance de niveau orange est maintenue jusqu'en fin de journée. Le niveau de vigilance reste en jaune jusqu'au premier mai en tout début de journée. Finalement, nous n'avons n'a pas relevé de cumuls pluvieux importants après le 29 en soirée. Toutefois, les rivières gardaient un débit très élevé, le réseau routier était par endroit endommagé, et les hauteurs de marée entretenaient un risque de débordement dans la zone littorale. Ce contexte bien particulier incitait donc à la prudence, la moindre pluie pouvant avoir des conséquences importantes.
L'épisode pluvieux du nord-est guyanais du 26 au 27 avril est exceptionnel. En effet, il n’a jamais autant plu sur cette partie de la Guyane. Le pluviomètre de Cacao a enregistré 209 mm de pluie en 24h, ce qui constitue le nouveau record de cette commune pour un mois d’avril (ancien record 145 mm le 26 avril 2002) et tous mois confondus. La commune de Roura a été encore plus arrosée avec un cumul de 259 mm en 24h (ancien record 159 mm le 13 avril 2000). Le record absolu en 24h pour la Guyane reste détenu par Cayenne Suzini avec 279 mm le 2 avril 1974.
Contexte météorologique
La ZCIT dans sa configuration d'équateur météorologique d'alizés s'est bien réactivée sur la Guyane à partir du 18 avril. Une succession rapide d'ondulations accentue l'instabilité et complique la tâche des prévisionnistes. En effet ces petites ondulations au sein de la ZCIT sont assez souvent mal prises en compte par les modèles de prévision numérique du temps. Ces ondulations qui se suivent à un rythme rapide créent un temps changeant alternant accalmies trompeuses pouvant aller jusqu'à plus de 24 heures et périodes pluvieuses intenses. A cela il faut ajouter les variations en latitude de la ZCIT , elle se positionne parfois au niveau de l'axe Camopi Maripa-Soula en donnant des cumuls conséquents sur ces communes, puis évoluera rapidement pour remonter vers la bordure littorale. Les conditions de vent en haute altitude (entre 13 et 16 km d'altitude) ont aussi souvent été favorables aux développements nuageux pendant ces 10 derniers jours d'avril.
Image satellite dans la nuit du 26 au 27 avril montrant la ZCIT bien calée au niveau du 5 degrés Nord avec l'arrivée d'une ondulation très marquée sur le nord-est Guyanais.
Sur cette sortie de modèle numérique, on peut voir les vents à l'altitude de 16500m le 27 avril 2021 en début de matinée. On remarque que les vents avec des directions différentes ont tendance à sortir de la Guyane , ce phénomène s'appelle la divergence d'altitude et crée une aspiration qui favorise l'extension verticale des développements nuageux et donc la formation de cumulonimbus générateurs de fortes pluies.
De sérieux facteurs aggravants
Cet épisode de vigilance fortes pluies et orages de la fin avril amenant Météo-France à enclencher temporairement le niveau rouge de vigilance( le 27 avril entre 05h26 et 08h49) s'est étiré du 26 avril au 01mai avec le plus souvent du niveau jaune mais aussi des périodes de orange et quelques heures au niveau rouge.
Lors de telles situations, il ne faut pas regarder que les quantités de pluies prévues ou observées lors de l'épisode mais aussi prendre en compte de possibles facteurs aggravants.
De sérieux facteurs aggravants ont augmenté les risques associés à ces fortes précipitations.
Cette vigilance à caractère exceptionnel a coïncidé avec une période de très grandes marées.
Le mois d'avril avait été exceptionnellement arrosé et faisait lui même suite à un mois de mars déjà bien arrosé; en effet du 1er avril au 25 ( veille du début de l'épisode ), 6 épisodes pluvieux s'étaient déjà succédé. Les sols étaient donc saturés, et les fleuves et rivières étaient déjà pour certains en crues et avaient tous un niveau élevé.
Une période de très grandes marées.
Du 25 au 30 avril, on était en période de grandes marées avec même de très grandes marées du 27 au 29. Le 28 avril au matin était même la plus grande marée de l'année avec une hauteur de 3m67 à 05h29 aux Iles du Salut. cet épisode de fortes pluies exceptionnel a donc coïncidé avec les plus hautes marées de l'année. Les marées ont un effet important sur l'écoulement des eaux de pluies dans le secteur proches du littoral. A l'heure de la grande marée les rivières, fossés d'évacuation et les canaux des communes proches du littoral ont du mal à évacuer les pluies avec le courant de marées qui remonte vers l'amont et s'oppose au courant normal de ces écoulements qui eux vont vers l'océan.
Extrait de l'annuaire des marées du SHOM aux Iles du Salut
Des sols saturés et un niveau des cours d'eau élevé après 25 jours d'un temps exceptionnellement pluvieux
Du premier au 25 avril, pas moins de 6 épisodes de vigilance fortes pluies et orages se sont suivi, entrecoupés de brèves périodes d'accalmies. Dans les quelques jours qui ont précédé cet événement pluvieux 2 épisodes de moindre ampleur (niveau jaune) se sont produit: un premier du 19 au 21 et un autre très proche du 23 au 25. Les sols étaient donc largement saturés et les fleuves et rivières étaient pour certains en alerte pour le risque de crues (Maroni notamment).
Des conséquences importantes: crues, débordements localisés en zone côtière, routes coupées
Cet épisode de pluies à caractère exceptionnel s'est donc produit dans un contexte de très grandes marées.
Par ailleurs, après des pluies particulièrement importantes depuis le début du mois et juste après 2 épisodes pluvieux conséquents, les sol étaient saturés et la plupart des fleuves et rivières avaient déjà un débit largement supérieur à la normale.
Cet ensemble de circonstances aggravantes a bien logiquement aggravé les conséquences de ces pluies exceptionnelles.
Crue du Maroni.
L'épisode pluvieux de la fin du mois d'avril n'est pas responsable à lui seul de la crue du Maroni mais a accentué un phénomène déjà amorcé depuis quelques jours.
Cette crue s'explique principalement par les fortes pluies enregistrées sur l'ensemble du bassin du Maroni depuis le début du mois d'avril . La crue du Maroni a commencé à partir du 11 avril mais s'est accentuée en fin de mois. La crue du Maroni a été généralisée à l'ensemble du bassin, mais c'est dans le secteur de Grand-Santi que les inondations les plus importantes ont été constatées.
Illustration issue d'un reportage de Guyane la 1ere publié le 1er mai 2021
Route Nationale 1 coupée
La route nationale 1 a été coupée en fin de nuit du 28 au 29 avril suite au débordement de la crique Moucaya au niveau du PK166 près d'Iracoubo. La crique en débordant sur la chaussée au niveau du pont a emporté une bonne partie de la route. La grande marée du début de matinée a probablement freiné l'écoulement des eaux sur la crique Moucaya.
Illustration issue d'un article de Guyane la 1ere publié le 29 avril 2021.